Ivan Leko vit ses dernières heures en tant qu’entraîneur principal. L’entraîneur croate aura ramené de la passion et de l’engouement autour de l’équipe. Tout cela au prix de nombreux compromis.
Nous vous en parlions dernièrement, les dés sont jetés au Standard : la nouvelle direction, emmenée par Marc Wilmots, a choisi de ne pas continuer avec Ivan Leko. Une décision actée hier qui n’est guère surprenante : malgré le respect répété publiquement à maintes reprises par Wilmots pour le travail abattu par Leko dans des conditions tous sauf évidentes, les rapports entre le directeur sportif et l’entraîneur en place étaient inexistants.
Ivan Leko va donc quitter le club aux portes d’une nouvelle ère. Les entraîneurs n’ont que rarement l’occasion de dire au revoir aux supporters, le passage de Leko à Sclessin ne fera pas exception à la règle. Un changement de direction sportive est bien souvent synonyme de changements sur le banc. Marc Wilmots n’est pas à blâmer, il reste humain de vouloir travailler avec ses hommes de confiance et de marquer son territoire. Leko connaît le football et n’a d’autre choix que de s’y plier. Quitte à rendre le tablier sur une note pénible, cette série de matchs sans victoire en Europe Playoffs amenée à 30 rencontres.
Une apathie générale loin d’être représentative du passage de l’entraîneur croate en bords de Meuse. Le natif de Split n’aura su soigner ni son entrée (une seule victoire lors des sept premiers matchs) ni sa sortie mais peut se targuer d’avoir ravivé la flamme à Sclessin. En soufflant sur les braises de Ronny Deila, presque entièrement consumées sous Carl Hoefkens.
Comme Deila, Ivan Leko a réussi à emmener le public avec lui, tout en devant travailler dans des conditions rarement vécues. Et sans doute à plus forte raison encore. Des onze joueurs alignés lors de son premier match en janvier 2024, deux seulement ont fini la saison actuelle dans le noyau (en comptant Lucas Noubi). Cela témoigne de l’instabilité du noyau ces dernières saisons.
Et pourtant, on ne peut pas dire qu’il ait forcément eu le choix des armes en termes d’arrivées. Si Leko a bien eu carte blanche pour l’arrivée de quelques profils qu’il connaissait bien, le manque de moyens est édifiant. Celui qui est encore officiellement l’entraîneur des Rouches a connu trois mercatos à Sclessin : des 20 nouvelles recrues arrivées sous son règne, seules deux étaient des transferts payants (650 000 euros déboursés pour David Bates (freiné par des blessures à répétition) et Ibrahim Karamoko). Le reste ? Trois joueurs arrivés gratuitement et quinze prêts.
Une adaptation permanente
Malgré cette flopée de joueur ne se sachant qu’en transit, Leko aura réussi à former une équipe concernée, rigoureuse et à l’image du style maison. Une situation qui n’est pas sans rappeler la situation vécue par un certain Hein Vanhaezebrouck à Anderlecht il y a quelques années. Lui aussi représentait un profil parfait pour le club. Pendant des années, le Sporting lorgnait sur sa philosophie de jeu audacieuse sans concession, couronnée de succès à Courtrai et à La Gantoise. HVH était l’homme tout désigné pour faire revenir le football de combinaisons perdu sous René Weiler. Mais il est arrivé à la toute fin de l’ère Vanden Stock et a hérité d’un noyau donnant encore des cauchemars à plus d’un supporter mauve. La fin de l’ère de transition entre les deux directions avait débouché sur son C4, accéléré par sa relation très distante avec Marc Coucke.
Mais à l’heure de se risquer au jeu des comparaisons, il faut reconnaître à Ivan Leko une plus grande adaptabilité que Vanhaezebrouck. La manière avec laquelle le Croate a su revoir son football ne doit pas être sous-estimée. Au Club de Bruges, avec un noyau qualitativement bien différent, Leko avait maintenu la moyenne des deux buts par match en disputant pourtant près de 100 rencontres (198 buts en 99 matchs). Au Standard, son équipe ne marquait même pas un but par match (57 buts en 62 rencontres) mais a également su laisser une trace.
L’ancien milieu offensif a dû avaler des couleuvres mais a fini par tirer le maximum d’un noyau composé de beaucoup de jeunes du SL 16 et dépourvu de profondeur offensive. Leko s’est résolu à sacrifier son football d’attaque pour construire une organisation qui aura tenu toute la saison, jusqu’à emmener l’équipe aux portes du top 6. Dans une période ou le concept d’ADN d’un club est souvent mis à toutes les sauces, le passage d’Ivan Leko rappelle que les idées d’un entraîneur dépendent aussi des moyens mis à sa disposition.